Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Regardez ! c’est la Grèce, et toute en un tableau :
Une femme est debout, de beauté ravissante,
Pieds nus ; et sous ses doigts un indigent fuseau
File, d’une quenouille empruntée au roseau,
Du coton floconneux la neige éblouissante.
Un pâtre d’Amyclée, auprès d’elle placé,
Du bâton recourbé, de la courte tunique,
Rappelle les bergers d’un bas-relief antique.
Par un instinct charmant, et sans art adossé
Contre un vase de marbre à demi renversé.
Comme aux jours solennels des fêtes d’Hyacinthe,
Des fleurs du glatinier sa tête encore est ceinte.
Sous sa couronne à l’ombre, il regarde, surpris,
Trois voyageurs d’Europe au pied d’un chêne assis.
Le chemin est auprès. Sur un coursier conduite,
La musulmane y passe, et de l’œil du mépris
Regarde, et l’Africain marche et porte à sa suite
Dans une cage d’or sa perdrix favorite ;
Cependant qu’un aga, dans un riche appareil,
Rapide cavalier au front sombre et sévère,
Sous un galop bruyant fait rouler la poussière ;
De ses armes d’argent que frappe le soleil,
Parmi les oliviers scintille la lumière ;
Il nous lance en passant des regards scrutateurs.
Voilà Sparte, voilà la Grèce tout entière :
Un esclave, un tyran, des débris et des fleurs.


(Voyage en Grèce)



______