Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/44

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le champ de bataille, au moment où Sa Majesté va passer les troupes en revue. »

Programme étrange, lorsqu’on y pense, où, en célébrant l’ « humanité » du vainqueur, on rappelait surtout les horreurs de la guerre, mais qui est d’accord avec le ton du Bulletin écrit par Napoléon, le soir de la victoire.

Lorsque le concours s’ouvrit, vingt-cinq concurrents se présentèrent, parmi lesquels Meynier et Thévenin, qui jouissaient alors d’une grande réputation, Debret, Hersent, Camus, etc. Gros fut classé le premier ; son tableau figura au Salon de 1808[1]. Il marque le point culminant de sa carrière, l’artiste était dans la pleine force de l’âge ; il avait trente-sept ans.

Le succès fut grand, moins incontesté qu’on ne serait disposé à le croire aujourd’hui. L’Empereur cependant, lorsqu’il vint visiter l’exposition, décora Gros de sa main. Mais certaines critiques sont une fois de plus caractéristiques de la théorie classique. Xavier Fabre, un élève de David, commençait bien par écrire : « Notre École, qui compte parmi ses maîtres de très grands dessinateurs, n’avait pas encore formé un coloriste qu’on pût opposer aux modèles vénitiens ou flamands », et il trouvait dans Gros le coloriste appelé « à se placer un jour non loin des Rubens et des Titien ». Mais aussi il lui reprochait de ne pas avoir donné aux morts et aux blessés du premier plan des formes assez nobles et assez élégantes ! Disons tout de suite

  1. L’Empereur Napoléon visite le champ de bataille d’Eylau (9 février 1807) avant de passer la revue des troupes (Voir plus loin, p. 97).