Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/252

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voyage et de ton retour plein de dangers. Hélas ! hélas ! mais le monde, une fois connu, ne s’accroît pas, il diminue plutôt, et l’air sonore, la terre bienfaisante et la mer apparaissent bien plus vastes aux enfants qu’au sage.

Où sont allés nos beaux rêves de séjours inconnus d’hommes inconnus, ou de la demeure diurne des astres, ou du lit lointain de la jeune Aurore et du sommeil nocturne et mystérieux de la grande planète ? Les voilà évanouis tout d’un coup et le monde est représenté sur une petite carte. Voilà que tout est semblable et les découvertes n’accroissent que le néant. La vérité, à peine arrivée, t’interdit à nous, ô chère imagination ; notre âme s’éloigne de toi pour l’éternité ; les années nous soustraient à ton premier et merveilleux pouvoir, et la consolation de nos chagrins a péri.

Tu naissais cependant aux doux songes et les premiers soleils brillaient à ta vue, chantre gracieux des armes et des amours qui, dans un âge bien moins triste que le nôtre, remplirent la vie d’heureuses erreurs : c’était la nouvelle espérance de l’Italie. Ô tours, ô cellules, ô femmes, ô cavaliers, ô palais ! À penser à vous, en mille vains agréments se perd mon âme. De vanités, de belles folies et d’étranges pensées se composait la vie humaine : nous les chassâmes en foule ; or, que reste-t-il, maintenant que leur verdure est ôtée