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IX

DERNIER CHANT DE SAPHO.

(1824.)


Nuit paisible, rayon modeste de la lune qui se couche, et toi qui poins parmi la forêt muette au-dessus du rocher, messagère du jour ; ô aspects agréables et chers à mes yeux tant que les Érinnyes et la Destinée me furent inconnues ; déjà ce doux spectacle ne sourit plus à ma passion désespérée. La joie que nous avons perdue se ravive quand par l’air limpide et les plaines tremblantes roule le flot poudreux des Notus et quand le char, le lourd char de Jupiter tonnant au-dessus de nos têtes divise l’air ténébreux. Alors, au travers les rochers et les vallées profondes, il nous plaît de nous tremper dans les nuages, de voir la vaste fuite des troupeaux éperdus ou d’entendre le son du fleuve profond contre la rive douteuse et la colère victorieuse de l’onde.

Ton manteau est superbe, ô ciel divin, et tu es superbe, terre pleine de rosée. Hélas ! de cette beauté infinie les dieux et le sort impie n’ont