Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/155

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agréments de Catalina, prenait feu et se déterminait à lui faire une visite nocturne, j’aurais soin d’en informer les dames, comme aussi de la nuit qui serait choisie pour cet effet. Secundo, que le prince ne pourrait s’introduire chez les dites dames qu’en galant ordinaire, et accompagné seulement de moi et de son Mercure en chef.

Après cette convention, la tante et la nièce me firent toutes les amitiés du monde ; elles prirent avec moi un air de familiarité, à la faveur duquel je hasardai quelques accolades qui ne furent pas trop mal reçues ; et, lorsque nous nous séparâmes, elles m’embrassèrent d’elles-mêmes en me faisant toutes les caresses imaginables. C’est une chose merveilleuse que la facilité avec laquelle il se forme une liaison entre les courtiers de galanterie et les femmes qui ont besoin d’eux. On aurait dit, en me voyant sortir de là si favorisé, que j’eusse été plus heureux que je ne l’étais.

Le comte de Lemos sentit une extrême joie, quand je lui annonçai que j’avais fait une découverte telle qu’il la pouvait souhaiter. Je lui parlai de Catalina dans des termes qui lui donnèrent envie de la voir. Je le menai chez elle la nuit suivante, et il m’avoua que j’avais fort bien rencontré. Il dit aux dames qu’il ne doutait nullement que le prince d’Espagne ne fût fort satisfait de la maîtresse que je lui avais choisie, et qu’elle de son côté aurait sujet d’être contente d’un tel amant ; que ce jeune prince était généreux, plein de douceur et de bonté ; enfin il les assura que dans quelques jours il le leur amènerait de la façon qu’elles le désiraient, c’est-à-dire sans suite et sans bruit. Ce seigneur prit là-dessus congé d’elles, et je me retirai avec lui. Nous rejoignîmes son équipage dans lequel nous étions venus tous deux, et qui nous attendait au bout de la rue. Ensuite il me conduisit à mon hôtel, en me chargeant d’instruire le lendemain son oncle de cette aventure ébauchée, et de le prier de sa part de lui envoyer un millier de pistoles pour la mettre à fin.