Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/209

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Ces avantages étaient trop considérables pour m’en priver. Je retins auprès de moi un homme si utile, avec la permission de l’obligeant châtelain, qui ne voulut pas me refuser une si douce consolation.


CHAPITRE VIII

Du premier voyage que Scipion fit à Madrid : quels en furent le motif et le succès. Gil Blas tombe malade. Suite de sa maladie.


Si nous disons ordinairement que nous n’avons pas de plus grands ennemis que nos domestiques, nous devons dire aussi que ce sont nos meilleurs amis, quand ils nous sont fidèles et bien affectionnés. Après le zèle que Scipion avait fait paraître, je ne pouvais plus voir en lui qu’un autre moi-même. Ainsi plus de subordination entre Gil Blas et son secrétaire, plus de façons entre eux. Ils chambrèrent ensemble, et n’eurent qu’un lit et qu’une table.

Il y avait dans l’entretien de Scipion beaucoup de gaieté : on aurait pu le surnommer à juste titre le garçon de bonne humeur. Outre cela, il était homme de tête, et je me trouvais bien de ses conseils. Mon ami, lui dis-je un jour, il me semble que je ne ferais point mal d’écrire au duc de Lerme ; cela ne saurait produire un mauvais effet. Quelle est là-dessus ta pensée. Eh ! mais, répondit-il, les grands sont si différents d’eux-mêmes d’un moment à un autre, que je ne sais pas trop bien comment votre lettre serait reçue. Cependant je suis d’avis que vous écriviez toujours à bon compte. Quoique le ministre vous aime, il ne faut pas vous reposer sur son amitié du soin de le faire souvenir de vous. Ces sortes de protecteurs oublient aisément les personnes dont ils n’entendent plus parler.

Quoique cela ne soit que trop vrai, lui répliquai-je,