Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/341

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le comte d’Olivarès a l’esprit un peu fantasque et singulier ; c’est un seigneur plein de caprices : quelquefois, comme dans cette occasion, il agit d’une manière qui révolte ; et lui seul a la clef de ses actions hétéroclites. Au reste, quelques raisons qu’il ait de vous avoir mal reçu, tenez ici pied à boule ; il n’empêchera pas que vous ne profitiez des bontés du prince, c’est de quoi je puis vous assurer. J’en dirai deux mots ce soir au seigneur don Baltazar de Zuniga mon maître, qui est oncle du comte d’Olivarès, et qui partage avec lui les soins du gouvernement. Navarro, m’ayant ainsi parlé, me demanda où je demeurais, et là-dessus nous nous séparâmes.

Je ne fus pas longtemps sans le revoir ; il vint le jour suivant me retrouver. Seigneur de Santillane, me dit-il, vous avez un protecteur ; mon maître veut vous prêter son appui : sur le bien que je lui ai dit de votre seigneurie, il m’a promis de parler pour vous au comte d’Olivarès, son neveu ; je ne doute pas qu’il ne le prévienne en votre faveur, et j’ose vous dire que vous pouvez compter sur cela. Mon ami Navarro, ne voulant pas me servir à demi, me présenta deux jours après à don Baltazar, qui me dit d’un air gracieux : Seigneur de Santillane, votre ami Joseph m’a fait votre éloge dans des termes qui m’ont mis dans vos intérêts. Je fis une profonde révérence au seigneur de Zuniga, et lui répondis que je sentirais vivement toute ma vie l’obligation que j’avais à Navarro de m’avoir procuré la protection d’un ministre qu’on appelait, à juste titre, le Flambeau du conseil. Don Baltazar, à cette réponse flatteuse, me frappa sur l’épaule en riant, et reprit de cette sorte : Vous pouvez dès demain retourner chez le comte d’Olivarès ; vous serez plus content de lui.

Je reparus donc pour la troisième fois devant le premier ministre, qui, m’ayant démêlé dans la foule, jeta sur moi un regard accompagné d’un souris dont je tirai bon augure. Cela va bien, dis-je en moi-même, l’oncle