Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/345

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Je ne désire point sa mort, lui dis-je, quoiqu’il n’ait point tenu à lui que je n’aie trouvé la mienne dans la tour de Ségovie, où il a été cause que j’ai fait un assez long séjour. Comment ! reprit Son Excellence avec étonnement, c’est don Rodrigue qui a causé ta prison, voilà ce que j’ignorais. Don Baltazar, à qui Navarro a raconté ton histoire, m’a bien dit que le feu roi te fit emprisonner, pour te punir d’avoir mené la nuit le prince d’Espagne dans un lieu suspect ; mais je n’en sais pas davantage, et je ne puis deviner quel rôle Calderone a joué dans cette pièce. Le rôle d’un amant qui se venge d’un outrage reçu, lui répondis-je. En même temps je lui fis un détail de l’aventure, qu’il trouva si divertissante que, tout grave qu’il était, il ne put s’empêcher d’en rire, ou plutôt d’en pleurer de plaisir. Catalina, tantôt nièce et tantôt petite-fille, le réjouit infiniment, aussi bien que la part qu’avait eue à tout cela le duc de Lerme.

Lorsque j’eus achevé mon récit, le comte me renvoya, en me disant que le lendemain il ne manquerait pas de m’occuper. Je courus aussitôt à l’hôtel de Zuniga, pour remercier don Baltazar de ses bons offices, et pour rendre compte à mon ami Joseph de l’entretien que je venais d’avoir avec le premier ministre, et de la disposition favorable où Son Excellence était pour moi.

    tous les grands crimes dont on l’avait d’abord accusé, il fut condamné à mort « comme atteint et convaincu du meurtre de deux gentilshommes espagnols. Il fut décapité publiquement, et mourut si courageusement et si chrétiennement, qu’il attira la compassion de tout le monde. » (Ibid., p. 109.)

    Calderone fut une victime qui paya pour le duc de Lerme. Celui-ci, étant cardinal, brava les procédures, à l’abri du respect qu’on avait en Espagne pour la pourpre romaine.