Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/379

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lerie, nous demandâmes des chirurgiens. Il en vint un qu’on nous dit être fort habile. Il visita nos plaies, qu’il trouva très dangereuses. Il nous pansa, et le lendemain il nous dit, après avoir levé l’appareil, que les blessures de don Blas étaient mortelles. Il jugea des miennes plus favorablement, et ses pronostics ne furent point faux.

Combados, se voyant condamné à la mort, ne songea plus qu’à s’y préparer. Il dépêcha un exprès à sa femme, pour l’informer de ce qui s’était passé, et du triste état où il se trouvait. Doña Helena fut bientôt à Villarejo. Elle y arriva, l’esprit travaillé d’une inquiétude qui avait deux causes différentes : le péril que courait la vie de son époux, et la crainte de sentir, en me revoyant, rallumer un feu mal éteint. Cela lui causait une agitation terrible. Madame, lui dit don Blas lorsqu’elle fut en sa présence, vous arrivez assez à temps pour recevoir mes adieux. Je vais mourir, et je regarde ma mort comme une punition du ciel, de vous avoir, par une tromperie, arrachée à don Gaston ; bien loin d’en murmurer, je vous exhorte moi-même à lui rendre un cœur que je lui ai ravi. Doña Helena ne lui répondit que par des pleurs ; et, véritablement c’était la meilleure réponse qu’elle lui pût faire, n’étant pas encore assez détachée de moi pour avoir oublié l’artifice dont il s’était servi pour la déterminer à me manquer de foi.

Il arriva, comme le chirurgien l’avait pronostiqué, qu’en moins de trois jours Combados mourut de ses blessures, au lieu que les miennes annonçaient une prochaine guérison. La jeune veuve, uniquement occupée du soin de faire transporter à Coria le corps de son époux, pour lui rendre tous les honneurs qu’elle devait à sa cendre, partit de Villarejo pour s’en retourner, après s’être informée, comme par pure politesse, de l’état où je me trouvais. Dès que je pus la suivre, je pris le chemin de Coria, où j’achevai de me rétablir en peu de temps. Alors doña Éleonor, ma tante, et don Georges de Galisteo, résolurent de nous marier promp-