Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/436

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Je fis donc allumer pour la seconde fois le flambeau de l’hyménée, et je n’eus pas sujet de m’en repentir. Dorothée, en femme vertueuse, se fit un plaisir de son devoir ; et, sensible au soin que je prenais d’aller au-devant de ses désirs, elle s’attacha bientôt à moi comme si j’eusse été jeune. D’une autre part, don Juan et ma filleule s’enflammèrent d’une ardeur mutuelle ; et, ce qu’il y a de singulier, les deux belles-sœurs conçurent l’une pour l’autre la plus vive et la plus sincère amitié. De mon côté, je trouvai dans mon beau-frère tant de bonnes qualités, que je me sentis naître pour lui une véritable affection, qu’il ne paya point d’ingratitude. Enfin, l’union qui régnait entre nous tous était telle, que le soir, lorsqu’il fallait nous quitter pour nous rassembler le lendemain, cette séparation ne se faisait pas sans peine ; ce qui fut cause que des deux familles nous résolûmes de n’en faire qu’une, qui demeurerait tantôt au château de Lirias, et tantôt à celui de Jutella, auquel, pour cet effet, on fit de grandes réparations des pistoles de Son Excellence.

Il y a de cela trois ans, ami lecteur, que je mène une vie délicieuse avec des personnes si chères. Pour comble de satisfaction, le ciel a daigné m’accorder deux enfants, dont l’éducation va devenir l’amusement de mes vieux jours, et dont je crois pieusement être le père.


FIN DU TOME SECOND