Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/75

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répondis-je, et nous ne sommes pas dans un lieu propre à conter des aventures. Tu as raison, reprit-il ; nous serons mieux chez moi. Viens, je vais t’y mener. Ce n’est pas loin d’ici. Je suis libre, agréablement logé, parfaitement bien dans mes meubles ; je vis content, et suis heureux, puisque je crois l’être.

J’acceptai le parti, et me laissai entraîner par Fabrice qui me fit arrêter devant une maison de belle apparence, où il me dit qu’il demeurait. Nous traversâmes une cour, où il y avait d’un côté un grand escalier qui conduisait à des appartements superbes ; et de l’autre une petite montée aussi obscure qu’étroite, par où nous montâmes au logement qui m’avait été vanté. Il consistait en une seule chambre, de laquelle mon ingénieux ami s’en était fait quatre séparées par des cloisons de sapin. La première servait d’antichambre à la seconde où il couchait : il faisait son cabinet de la troisième, et sa cuisine de la dernière. La chambre et l’antichambre étaient tapissées de cartes géographiques, de thèses de philosophie, et les meubles répondaient à la tapisserie. C’était un grand lit de brocart tout usé, de vieilles chaises de serge jaune, garnies d’une frange de soie de grenade de la même couleur, une table à pieds dorés, couverte d’un cuir qui paraissait avoir été rouge, et bordée d’une crépine de faux or devenu noir par le laps de temps, avec une armoire d’ébène, ornée de figures grossièrement sculptées. Il avait pour bureau, dans son cabinet, une petite table, et sa bibliothèque était composée de quelques livres, avec plusieurs liasses de papiers qu’on voyait sur des ais disposés par étages le long du mur. Sa cuisine, qui ne déparait pas le reste, contenait de la poterie et d’autres ustensiles nécessaires.

Fabrice, après m’avoir donné le loisir de considérer son appartement, me dit : Que penses-tu de mon ménage et de mon logement ? n’en es-tu pas enchanté ? Oui, ma foi, lui répondis-je en souriant. Il faut que tu ne