Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/153

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parcelle de l’éternelle et immatérielle beauté, qu’il est enjoint à l’art de faire resplendir pour resplendir lui-même !

Ressouvenons-nous de l’antique prière des doriens, dont la simple formule était d’une si pieuse poésie lorsqu’ils demandaient aux dieux de leur donner, le Bien par le Beau ! Au lieu de tant nous mettre en travail pour attirer les foules et leur plaire à tout prix, appliquons-nous plutôt, comme Chopin, à laisser un céleste écho de ce que nous avons ressenti, aimé et souffert ! Apprenons enfin de lui et de l’exemple qu’il nous a légué, à exiger de nous-mêmes ce qui donne rang dans la cité mystique de l’art, plutôt que de demander au présent, sans respect de l’avenir, ces couronnes faciles qui, à peine entassées, sont incontinent fanées et oubliées !…

En leur place, les plus belles palmes que l’artiste puisse recevoir de son vivant ont été remises aux mains de Chopin par d’illustres égaux. Une admiration enthousiaste lui était vouée par un public, plus reserré encore que l’aristocratie musicale dont il fréquentait les salons. Il était formé par un groupe de noms célèbres qui s’inclinaient devant lui, comme des rois de divers empires rassemblés pour fêter un des leurs, pour être initié aux secrets de son pouvoir, pour contempler les magnificences de ses trésors, les merveilles de son royaume, les grandeurs de sa puissance, les œuvres de sa création. Ceux-là, lui payaient intégralement le tribut qui