Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/161

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dévorée, apprenant à connaître chemin faisant toutes les merveilles célestes qui marquent la route de ces matelots que n’attend aucun port. Appuyés sur cette poupe sans gouvernail, ils contemplaient depuis les deux Ourses qui surplombent majestueusement le Nord, jusqu’à l’éclatante Croix du Sud, après laquelle le désert antarctique commence à s’étendre sur les têtes comme sous les pieds, ne laissant à l’œil éperdu rien à contempler sur un ciel vide et sans phare, étendu au dessus d une mer sans rives. II leur arrivait de suivre longtemps, et les fugaces sillages que laissent sur l’azur les étoiles filantes, lucioles d’en haut… et ces comètes aux incalculables orbites redoutées pour leur étrange splendeur, tandis que leurs vagabondes et solitaires courses ne sont (pie tristes et inotlensives… et Aldébaran, cet astre distant qui, comme la sinistre étincelle d’un regard ennemi, semble guetter notre globe sans oser l’approcher… et ces radieuses Pléiades versant à l’œil errant qui les cherche une lueur amie et consolatrice, comme une énigmatique promesse !

Heine avait vu toutes ces choses sous les différentes apparences qu’elles prennent à chaque méridien ! Il en avait vu bien d’autres encore dont il nous entretenait par vagues similitudes, ayant assisté à la cavalcade furieuse d’Hérodiade, ayant aussi ses entrées à la cour du Roi des Aulnes, ayant cueilli plus d’une pomme d’or au jardin des Hespérides, étant un des familiers de tous ces lieux inaccessibles à des mortels