Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/183

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L’art est plus puissant que l’artiste. Ses types et ses héros ont une vie indépendante de son vacillant vouloir, car ils sont une des manifestations de l’éternelle Beauté ! Plus durables que lui, elles passent de générations en générations, intactes et immarcessibles, renfermant en elles-même une virtuelle faculté de rédemption pour leur auteur. — Puisque l’on peut dire de toute bonne-action qu’elle est une belle-action, l’on peut dire aussi de toute belle-œuvre qu’elle est une bonne-œuvre. — Est-ce que le Vrai ne s’en dégage pas nécessairement en quelque manière, à travers les fissures du Beau, le Faux ne pouvant engendrer « lui seul que le Laid ? Est ce que, pour les natures plus impressionables que réfléchies, plus sensibles que conséquentes, le Bien ne se dégage pas du Beau plus sûrement presque que du Vrai, pareequ’en toute manière celui-ci est la source de l’un et de l’autre ?

S’il est advenu, hélas ! que plusieurs d’entre ceux qui ont immortalisé leurs aspirations en donnant à leur idéal l’impérieux ascendant d’une entraînante éloquence, étouffèrent pourtant ces aspirations et foulèrent un jour aux pieds leur idéal, entraînant ainsi par leur funeste exemple bien des âmes qui eussent pu devenir hautes et sont devenues basses, combien n’y en a-t-il pas à côté de celles-ci, qu’ils ont secrètement confirmées, encouragées, fortifiées dans le vrai ou le bien, par les évocations de leur génie ! L’indulgence ne serait peut-être que justice pour eux ; mais qu’il est dur de réclamer