Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/217

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L’élégance matérielle était aussi naturelle à Chopin que celle de l’esprit. Elle se trahissait autant dans les

mot prend un sens totalement différent, selon le diapason sur lequel on le prononce. Le L slave, celte lettre presque impossible à prononcer à ceux qui ne l’ont pas appris dès leur enfance, n’a rien de sec. Elle donne à l’ouïe l’impression que produit sur nos doigts un épais velours île laine, rude et souple à la fois. La réunion des consonnes clapotantes étant rare en polonais, les assonances très-aisément multipliées, cette comparaison pourrait s’appliquer a l’ensemble de l’effet qu’il produit sur l’oreille des étrangers. On y rencontre beaucoup de mots imitant le bruit propre aux objets qu’ils désignent. Les répétitions réitérées du eh (A aspiré), du sz (ch en français), du rx, du ez, si effrayans à un œil profane et dont le timbre n’a pour la plupart rien de barbare, (ils se prononcent-à-peu près comme geai et Iche, , facilitent ces mimologies. Le mot dzwiek, son, (lisez dzwienque , en offre un exemple assez caractéristique ; il paraîtrait difficile de mieux reproduire la sensation que la r.ésonance d’un diapason fait éprouver a l’oreille. — Entre les consonnes accumulées dans des groupes qui produisent des tons très-divers, tantôt métalliques, tantôt bourdonnans, sifflans ou grondans, il s’entremêle des diphthongues nombreuses et des voyelles qui deviennent souvent quelque peu nasales, l’a et l’e étant prononcés comme on et in lorsqu’ils sont accompagnés d’une cédille : q, f. A côté du c (tse) qu’on dit avec une grande mollesse, quelquefois â tsie., le s accentué, i, est presque gazouillé. Le z a trois sons ; on croirait l’accord d’un Ion. Le i ijait), le z \zed’ et le : jzied’. L’y forme une voyelle d’un son étouffé, eu, que nous ne saurions pas plus reproduire en français que celui du i ; aussi bien que lui, elle donne un chatoyant ineffable à la langue. — Ces élémens fins et déliés permettent aux femmes de prendre dans leurs discours un accent chantant ou traînant, qu’elles transportent d’ordinaire aux autres langues, où le charme, devenant défaut, déroute au lieu de plaire. Que de choses, que de personnes qui, à peine transportées dans un milieu dont l’air ambiant, le courant de pensées diverses, ne comportent pas un genre de grâce, d’expression, d’attrait, ce qui en elles était fascinant et irrésistible devient choquant et agaçant, uniquement parceque ces mêmes séductions sont placées sous la rayon d’un autre éclairage ; parceque les ombres y perdant leurs profondeurs, les reflets lumineux n’ont plus leur éclat et leurs signifiauces. En parlant leur langue, les polonaises ont encore l’habitude de