Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/234

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habitudes, prises dans ce monde d’une si noble décence, firent croire à Chopin que les convenances sociales, au lieu d’être un masque uniforme, dérobant sous la symétrie des mêmes lignes le caractère de chaque individualité, ne servaient qu’à contenir les passions sans les étouffer, à leur enlever la crudité de tons qui les dénature, le réalisme d’expression qui les rabaisse, le sans-gêne qui les vulgarise, la véhémence qui blase, l’exubérance qui lasse, enseignant aux amans de l’impossible à réunir toutes les vertus que la connaissance du mal fait éclore, à toutes celles qui font oublier son existence en parlant à ce qu’on aime ’) ; rendant ainsi presque possible. l’impossible réalisation d’une Eve, innocente et tombée, vierge et amante à la fois !

A mesure que ces premiers apperçus de la jeunesse de Chopin s’enfonçaient dans la perspective des souvenirs, ils gagnaient encore à ses yeux en grâces, en enchantemens, en prestiges, le tenant d’autant plus sous leur charme, qu’aucune réalité quelque peu contradictoire ne venait démentir et détruire cette fascination, secrètement cachée dans un coin de son imagination. Plus cette époque reculait dans le passé, plus il avançait dans la vie, et plus il s’énamourait des figures qu’il évoquait dans sa mémoire. C’étaient de superbes portraits en pied ou des pastels sourians,

1) Lucrezia FIorianL