Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/239

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C’est vers ces premiers temps de sa jeunesse que remonte son attachement pour une jeune fille, qui ne cessa jamais de lui porter un sentiment imprégné d’un pieux hommage. La tempête qui dans un pli de ses raffales emporta Chopin loin de son pays, comme un oiseau rêveur et distrait surpris sur la branche d’un arbre étranger, rompit ce premier amour et déshérita l’exilé d’une épouse dévouée et fidèle en même temps que d’une patrie. Il ne rencontra plus le bonheur qu’il avait rêvé avec elle, en rencontrant la gloire à laquelle il n’avait peut-être pas encore songé. Elle était belle et douce cette jeune fille, comme une de ces madones de Luini dont les regards sont chargés d’une grave tendresse. Elle resta triste, mais calme ; la tristesse augmenta sans doute dans cette âme pure, lorsqu’elle sut que nul dévouement du même genre que le sien ne vint adoucir l’existence de celui qu’elle eût adoré avec une soumission ingénue, une piété exclusive ; avec cet abandon naïf et sublime qui transforme la femme en ange.

Celles que la nature accable des dons du génie, si lourds à porter, — chargés d’une étrange responsabilité et sans cesse entrainés à l’oublier, — ont probablement le droit de poser des limites aux abnégations de leur personnalité, étant forcées à ne pas négliger les soucis de leur gloire pour ceux de leur amour. Mais, il peut se faire qu’on regrette les divines émotions que procurent les dévouemens absolus, en