Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/248

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produit dans chaque pays. Il viendra un temps où un pianiste américain ne ressemblera pas à un pianiste allemand, où le symphoniste russe sera tout autre que le symphoniste italien. Il est à prévoir que dans la musique, comme dans les autres arts, on pourra reconnaître les influences de la patrie sur les grands et les petits maîtres, dii minores ; qu’on pourra distinguer dans les productions de tous le reflet de l’esprit des peuples, plus complet, plus poétiquement vrai, plus intéressant à étudier, que dans les ébauches frustes, incorrectes, incertaines et tremblotantes, des inspirations populaires, si émouvantes qu’elles soient pour leurs co-nationaux.

Chopin sera rangé alors au nombre des premiers musiciens qui aient ainsi individualisé en eux le sens poétique d’une seule nation, indépendemment de toute influence d’école. Et cela, non point seulement parce qu’il a pris le rhythme des Polonaises, des Mazoures, des Krakowiaki, et qu’il a appelé de ce nom beaucoup de ses écrits. S’il se fût borné à les multiplier, il n’eût fait que reproduire toujours le mêmo contour, le souvenir d’une même chose, d’un même fait : reproduction qui eût été bientôt fastidieuse en ne servant qu’à propager une seule forme,. devenue promptement plus ou moins monotone. Son nom restera comme celui d’un poëte essentiellement polonais, parce qu’il employa toutes les formes dont il s’est servi à exprimer une manière de sentir propre à son pays, presque inconnue