Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/253

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des mines de la Sibérie, des capotes de soldat au Caucase, des trois mille coups du knout militaire ! Ceux qui avaient fui la patrie sous des impressions aussi cruelles, d’une actualité aussi lugubre, l’âme remplie de telles images, ne pouvaient guère en arrivant à Paris reprendre le fil des souvenirs de Chopin là, où il s’était brisé.

Nous eussions désiré faire comprendre ici par analogie de parole et d’image, les sensations intimes qui répondent à cette sensibilité exquise, en même temps qu’irritable, propre à des cœurs ardens et volages, à des natures fiévreusement fières et cruellement blessées. Nous ne nous flattons pas d’avoir réussi à renfermer tant de flamme éthérée et odorante, dans les étroits foyers de la parole. Cette tâche seraitelle possible d’ailleurs ? Les mots ne paraîtront-ils pas toujours fades, mesquins, froids et arides, après les puissantes ou suaves commotions que d’autres arts font éprouver ? N’est-ce point avec raison qu’une femme dont la plume a beaucoup dit , beaucoup peint, beaucoup ciselé, beaucoup chanté tout bas, a souvent répeté : De toutes les façons d’exprimer un sentiment, la parole est la plus insuffisante ? Nous ne nous flattons pas d’avoir pu atteindre dans ces lignes à ce flou de pinceau nécessaire, pour retracer ce que Chopin a dépeint avec une si inimitable légèreté de touche.

Là tout est subtil, jusqu’à la source des colères et des emportemens ; là, disparaissent les impulsions franches,