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ces admirables progressions harmoniques, par lesquelles il dota d’un caractère sérieux même les pages qui, vû la légèreté de leur sujet, ne paraissaient pas devoir prétendre à cette importance.

Mais, qu’importe le sujet ? N’est-ce pas l’idée qu’on en fait jaillir, l’émotion qu’on y fait vibrer, qui l’élève, l’ennoblit et le grandit ? Que de mélancolie, que de finesse, que de sagacité, que d’art surtout dans ces chefs-d’œuvre de la Fontaine, dont les sujets sont si familiers et les titres si modestes ! Ceux d’Études et de Préludes le sont aussi ; pourtant les morceaux de Chopin qui les portent n’en resteront pas moins des types de perfection, dans un genre qu’il a créé et qui relève, ainsi que toutes ses œuvres, de l’inspiration de son génie poétique. Ses Études, écrites presque en premier lieu, sont empreintes d’une verve juvénile qui s’efface dans quelques-uns de ses ouvrages subséquens, plus élaborés, plus achevés, plus combinés, pour se perdre, si l’on veut, dans ses dernières productions d’une sensibilité plus exquise, qu’on accusa longtemps d’être surexcitée ; par là, factice. On arrive cependant à se convaincre que cette subtilité dans le maniement des nuances, cette excessive finesse dans l’emploi des teintes les plus délicates et des contrastes les plus fugitifs, n’a qu’une fausse ressemblance avec les recherches de l’épuisement. En les examinant de près on est forcé d’y reconnaître la claire-vue, souvent l’intuition, des transitions qui existent réellement dans le