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obsèques ? En vérité, on n’aurait pu trouver d’autres accens pour exprimer avec le même navrement quels sentimens et quelles larmes devaient accompagner à son dernier repos, celui qui avait compris d’une manière si sublime comment on pleurait les grandes pertes !

Nous entendions dire un jour à un jeune homme de son pays : « Ces pages n’auraient pu être écrites que par un polonais ! » En effet, tout ce que le cortége d’une nation en deuil, pleurant sa propre mort, aurait de solennel et de déchirant, se retrouve dans le glas funèbre qui semble ici l’escorter. Tout le sentiment de mystique espérance, de religieux appel à une miséricorde surhumaine, à une clémence infinie, à une justice qui tient compte de chaque tombe et de chaque berceau ; tout le repentir exalté qui éclaira de la lumière des auréoles tant de douleurs et de désastres, supportés avec l’héroïsme inspiré des martyrs chrétiens, résonne dans ce chant dont la supplication est si désolée. Ce qu’il y a de plus pur, de plus saint, de plus résigné, de plus croyant et de plus espérant dans le cœur des femmes, des enfans et des prêtres, y retentit, y frémit, y tressaille avec d’indicibles vibrations ! On sent ici que ce n’est pas seulement la mort d’un héros qu’on pleure alors que d’autres héros restent pour le venger, mais bien celle d’une génération entière qui a succombé ne laissant après elle que les femmes, les enfans et les prêtres.

Aussi, le côté antique de la douleur en est-il totale-