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des reproches, la préméditation de la vengeance, la menace implacable grondant au fond du cœur, soit en épiant la revanche, soit en s’alimentant d’une stérile amertume ! Oui vraiment, le Żal ! colore toujours d’un reflet tantôt argenté, tantôt ardent, tout le faisceau des ouvrages de Chopin. Il n’est même pas absent de ses plus douces rêveries.

Ces impressions ont eu d’autant plus d’importance dans la vie de Chopin, qu’elles se sont manifestées sensiblement dans ses derniers ouvrages. Elles ont peu à peu atteint une sorte d’irascibilité maladive, arrivée au point d’un tremblement fébrile. Celui-ci se révèle dans quelques uns de ses derniers écrits par un contournement de sa pensée, qu’on est parfois plus peiné que surpris d’y rencontrer. — Suffoquant presque sous l’oppression de ses violences réprimées, ne se servant plus de l’art que pour se donner à lui-même sa propre tragédie, après avoir d’abord chanté son sentiment, il se prit à le dépecer. On retrouve dans les feuilles qu’il a publiées sous ces influences quelque chose des émotions alambiquées de Jean-Paul, auquel il fallait les surprises causées par les phénomènes de la nature et de la physique, les sensations d’effroi voluptueux dues à des accidens imprévoyables dans l’ordre naturel des choses, les morbides surexcitations d’un cerveau halluciné, pour remuer un cœur macéré de passions et blasé sur la souffrance.

La mélodie de Chopin devient alors tourmentée ;