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qu’aujourd’hui. Il était tenu de faire parcourir à la troupe alignée qu’il conduisait mille méandres capricieux, à travers tous les appartemens où se pressait le reste des invités, plus tardifs à faire partie de sa brillante suite. On lui savait gré d’atteindre aux galeries les plus éloignées, aux parterres des jardins confinant à leurs bosquets illuminés où la musique n’arrivait plus qu’en échos affaiblis. En revanche, elle accueillait son retour dans la salle principale avec un redoublement de fanfares. Changeant toujours ainsi de spectateurs, qui rangés en haie sur son passage l’observaient minutieusement, car ceux qui n’appartenaient point à cette procession guettaient immobiles son passage comme celui d’une comète resplendissante, jamais le maître de maison, conducteur de la première paire, ne négligeait de donner à son port et à sa prestance cette dignité mêlée de gaillardise qu’admirent les femmes et que les hommes jalousent. Vain et joyeux à la fois, il eût cru manquer à ses hôtes en n’étalant point à leurs yeux, avec une naïveté qui ne manquait pas de mordant, l’orgueil qu’il éprouvait de voir rassemblés chez lui de si illustres amis, de si notables partisans, tous empressés en le visitant à se parer richement pour lui faire honneur.

On traversait, guidé par lui dans cette pérégrination première, des détours inopinés dont les aspects étaient parfois dûs à des surprises ménagées d’avance, à des supercheries d’architecture ou de décoration,