Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/92

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Mais, si fréquens que soient les bals officiels, si souvent même que l’on soit obligé d’y engager quelques personnages qui s’imposent ou dejeunes officiers russes, amis de régiment des jeunes polonais forcés de servir pour n’être pas privés de leurs priviléges nobiliaires, la vraie poésie, le véritable enchantement de la mazoure, n’existe réellement qu’entre polonais et polonaises. Seuls, ils savent ce que veut dire d’enlever une danseuse à son partner avant même qu’elle ait achevé la moitié de son premier tour dans la salle, pour aussitôt l’engager à une mazoure de vingt paires, c’est-à-dire de deux heures ! Seuls, ils savent ce que veut dire de lui voir accepter une place près de l’orchestre, dont les rumeurs réduisent toutes les paroles à des murmures de voix basses, à des souffles brûlans plus compris qu’articulés, ou bien d’entendre qu’elle ordonne de poser sa chaise devant le canapé des matronnes qui devinent tous les jeux de physionomie. Seuls, le polonais et la polonaise savent à l’avance que dans une mazoure, l’un peut perdre une estime et l’autre conquérir un dévouement ! Mais, le polonais sait aussi que dans ce tête-à-tète public, ce n’est pas lui qui domine la situation. S’il veut plaire, il craint ; s’il aime, il tremble. Dans l’un ou l’autre cas, qu’il espère éblouir ou toucher, charmer l’esprit ou attendrir le cunir, c’est toujours en se lançant dans un dédale de discours, qui ont exprimé avec ardeur ce qu’ils se sont gardés de prononcer ; qui ont furtivement interrogé sans avoir jamais