Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/96

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qui le pousse à faire constamment changer de costume à la vérité et à la fiction, à les promener toujours déguisées l’une pour l’autre, comme des pierres de touche d’autant plus sûres qu’elles sont moins soupçonnées ; cette verve qui aux plus chétives occasions dépense avec une prodigalité effrenée un prodigieux esprit, comme Gil Blas usait à trouver moyen de vivre un seul jour autant d’intelligence qu’il en fallait au roi des Espagnes pour gouverner ses royaumes ; cette verve impressionne aussi péniblement (pie les jeux où l’adresse inouïe des fameux escamoteurs indiens t’ait voler et étinceler dans les airs une quantité d’armes aiguisées et tranchantes qui, à la moindre gaucherie, deviendraient des instrumens de mort, Elle recèle et porte alternativement l’anxiété, l’angoisse, l’effroi, lorsqu’au milieu des dangers imminens de la délation, de la persécution, de la haine ou de la rancune individuelle, se surajoutant aux haines nationales et aux rancunes politiques, des positions toujours compliquées peuvent trouver un péril dans toute imprudence, dans toute inadvertance, toute inconséquence ; ou bien, une aide puissante dans un individu obscur et oublié.

Un intérêt dramatique peut dès lors surgir tout d’un coup dans les plus indifférentes entrevues, pour donner instantanément à toute relation les faces les moins prévues. Il plane par là sur les moindres d’entreelles une brumeuse incertitude qui ne permet jamais d’en arrêter les contours, d’en fixer les lignes, d’en reconnaître