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et de trilles, fréquemment et vivement modulées, font percevoir les fascinations des syrènes par un effet nouveau, d’une sonorité si languidement amoureuse, que le riche repertoire des musiques de ce genre déjà existantes, n’offrait pas encore ce nous semble d’image aussi hardie, d’aussi saisissant reflet, des incitantes attractions de la sensualité, de ses vertigineux entraînemens, de ses prismatiques éblouissemens. Il s’y glisse des notes qui sifflent à l’oreille, comme certains regards chatoient à la vue : longues, pénétrantes, désarmantes.... perfides ! Sous le velouté de leur artificielle douceur on saisit des intonations despotiques, on sent trembler la colère. Ça et là des mordantes de violon, s’échappent de l’archet comme des étincelles phosphoriques. Le retour des cymbales nous imprime un ébranlement, comme le lointain écho d’une orgie devenue sauvage. Il y a des accords d’un frénétique enivrement, qui nous rappellent que les Cléopâtres ne trouvaient pas leurs fêtes déparées par la cruauté, qu’elles ne se refusaient pas à joindre aux spasmes de l’amour ceux des sanguinaires spectacles, qu’elles savaient associer de barbares plaisirs aux émotions affadies que procure la Beauté. La présence des ménades, et leurs rondes fougueuses dans la grotte de Vénus, confirment ensuite cette impression ; c’est en la faisant naître, que ce déploiement de la Volupté, arrivée ainsi à sa dernière puissance, se distingue originellement de toutes les