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compositions musicales, qui ont si souvent cherché à la peindre. Une fois entraîné par ces inquiétations délicieuses et altérantes, on dépasse la sphère des vulgaires tentations. Wagner ne s’est point contenté de motifs aisés et libres, comme la plupart de ceux dont la verve défraie les goûts et les penchans qui se font jour dans les scènes de Rubens et de Téniers, quand il a voulu rendre les captantes et lyranniques séductions, de la Mère et de la Reine des amours. Il a su découvrir l’indéfinissable subtilité des sons atténéris qui régnent à la cour de Cythère, jusqu’à laquelle ne pénètre qu’un petit nombre, initié par les Grâces elles-mêmes, et conduit par un cortège qui en présentant la coupe des plaisirs, y fait trouver d’étranges, de fatales, mais non de grossières ivresses. Il fallait à un génie allemand, quelque chose de l’universelle intuition dont Shakespeare a fait preuve, pour se pénétrer ainsi du sang en quelque sorte de l’antiquité, et s’inspirer à une excitation si étrangère aux ternes effervescences du Nord.

La Passion charnelle, est représentée ici avec les véhémentes jouissances, les délices raffinées, que les natures obtuses, froides et lourdes ne sauraient même imaginer, mais que peuvent rêver, chercher, et poursuivre, des natures énergiques qui veulent plus que de banales sensations : organisations hautes et délicates parfois, qui jettent aux vents de tous les