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dées et retenues, par un savoir solide et une entente saine des premières notions de l’art, la justesse ou l’erreur de leur conception, n’est plus que l’effet du hasard. Quand au lieu d’estimer la perfection de la forme et l’excellence des procédés dont un compositeur est maître, en même temps que l’élévation ou la grâce des sentimens retracés par lui, on se contente de jouir des idées qu’il suscite par le choix de son sujet ou son à propos, il est aisé d’être entraîné aux jugemens les moins fondés. Aussi, ne nous permettrions-nous pas de parler au nom de nos admirations particulières, de nos préférences personnelles, de nos sympathies intimes. Nous ne nous dénions pas le droit d’en concevoir, en dehors des règles qui servent à la critique, car l’artiste ne cesse point d’être homme, et en cette qualité, de faire partie du public qu’entraîne l’émotion première. Nous avouons, que nous considérerions son sort comme dur et maussade, s’il devait renoncer à se laisser charmer avant de critiquer, à être enchanté avant d’avoir pesé son approbation par grammes et scrupules, à rêver aussi ses propres rêves devant les tentatives des jeunes imaginations, et à savoir gré ensuite aux prétextes de ses rêves. Oublier comment on est surpris, inopinément envahi par un attrait qu’on n’a point encore analysé, comment se communiquent les frémissemens irraisonnés de la foule, serait peut-être même un fâcheux résultat, pour celui, qui ne peut lui