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dont il sera saisi. Elle n’est rien de semblable à ces morceaux d’orchestre, qui, sans renfermer un seul motif de l’opéra qu’ils annoncent, ou bien en en reproduisant quelques-uns, ne forment toujours, qu’une partie intégrante du tout, tantôt en ravissant le spectateur au lieu de la scène, au milieu des montagnes et des religieuses contemplations qu’elles inspirent, dans une nature alpestre dont on croit respirer le thym et le serpolet, tantôt en faisant briller une lueur sinistre, sans laquelle le tableau n’aurait point toute sa vérité, entendre un gémissement prophétique qui au sein des passagères gaietés, tient l’âme en suspens par son souvenir. Cette ouverture est un poëme sur le même sujet que son opéra, mais aussi complet que lui. Avec les mêmes pensées, Wagner a créé deux œuvres différentes, et chacune d’elles étant intelligible, parfaite et indépendante l’une de l’autre, alors qu’elles seraient désunies, elles ne risqueraient point de rien perdre de leur signification. Elles sont liées par l’identité de leur sentiment et de son expression, mais à cause de cette identité précisément, elles ne s’appellent, ni ne se réclament pour s’expliquer mutuellement. S’il fallait citer un fait et une expérience à l’appui de notre assertion, nous dirions que nous avons fait exécuter cette ouverture, que nous l’avons vue admirée avec enthousiasme, quand personne de ceux qui l’exécutaient, ni du public qui l’applaudissait, n’avait encore connaissance soit du sujet, soit de la