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dresse à l’Étoile du soir qui monte à l’horizon, et la charge de porter une mystérieuse consolation à celle qui ne voulait point être consolée. Cette romance pour voix de baryton est une des plus mélancoliques inspirations de l’amour, et procure un de ces instans de repos, où les attentions suspendues, et distraites de l’action même du drame, peuvent se livrer tout-à-fait à une émotion purement lyrique. Ce repos d’ailleurs était indispensable avant la scène qui finit l’opéra, et qui se range parmi les plus étonnantes productions du génie de Wagner. Nous voulons parler de la scène où Tannhäuser est reconnu par Wolfram, et lui fait le récit de son pélerinage.

Les vers de ce récit sont remarquablement beaux ; mais l’auteur a trouvé le rare secret de les réunir, de les marier, de les identifier au chant d’une manière si adéquate, que d’une part il leur est impossible de passer inobservés, tant leur déclamation haute et intelligible est imposée par les intonations musicales, et que de l’autre, on ne saurait se méprendre et considérer la musique comme un accessoire destiné à les faire ressortir. Wagner est loin de prêter le flanc à une calomnie semblable à celle qui voulut attribuer à Gluck un mot impie, prétendant qu’on entendait le grand maitre s’écrier avant de se mettre à composer : « Mon Dieu, faites-moi la grâce d’oublier que je suis musicien ! » Tout musicien qu’il est, Wagner n’en