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n’encensa jamais, et sans laquelle néanmoins notre esprit resterait tristement stagnant, n’avait point décoloré encore l’imagination vive et juvénile des peuples, et qu’ils ne savaient point accepter les bienfaits de certains mystères, sans leur attribuer une cause plus merveilleuse que celle de notre propre existence : comme on ne savait point préjuger l’action que pouvait exercer cette force évidente mais indéfinie, on adressait aux êtres favorisés qui la possédaient, des vœux, des prières, des offrandes pour se les rendre favorables, et l’on implorait même après leur mort la continuation de leurs influences protectrices et bienfaisantes. On n’osa pourtant pas, en les voyant soumis aux communes misères de notre chétivité, leur attribuer une divine essence, et la poétique métaphore des peuples les nomma des Demi-Dieux. Que de siècles après, le poëte chrétien en méditant sur la surprenante apparition d’un de ces hommes audessus des autres hommes, justifiait ce pressentiment primitif, lorsqu’il disait que le génie est une plus forte empreinte de la Divinité ![1]

Plus tard, cette invocation de l’ignorance timide et naïvement émue d’une gratitude enfantine, qui ne pesait ni ne mesurait avec une avare exactitude,

  1. Manzoni. Ode sur Napoléon.