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aussi longtemps qu’ils se sentent à l’étroit dans les délices, ils le revendiqueront toujours victorieusement. Il n’est pas de loi si haute, ni de réprobation si fulminante qui leur enlève leur vague attrait. Ils le garderont, tant qu’on pourra entrevoir dans leur cœur, cette lutte sublime que Wagner a reproduite dans la grande scène où Tannhäuser s’arrache à Vénus, car qui nous dit que les Alcibiades, les Césars, les Don Juans n’aient point crié plus d’une fois Liberté ! en se sentant enfermés dans un cercle infranchissable de désirs inassouvis, alors, « qu’ils chantaient celle, qu’ils voulaient pourtant fuir ! » ?[1] Mais pour exhausser à sa plus imposante grandeur dramatique, ce terrible moment qu’atteignent quelques âmes puissantes : pour vaincre les obstacles que présente à sa reproduction dans l’art le contraste qui s’établit alors entre l’asservissement du vouloir à la passion, et le libre empire de la volonté sur les actes, il fallait une simplification des procédés qui le mettent en scène, dût-on être moins réel que vrai ; il fallait concentrer sur un seul foyer, tels qu’ils sont réunis dans le cœur humain, les rayons de la passion, qu’on avait jusque-là fait diverger sur une quantité d’objets, dont le nombre seul était emblématique. Obligé à réfracter isolément chacun des rayons, on ne pouvait se dispenser de multiplier des person-

  1. Acte I. Scène 2.