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nages nécessairement secondaires, créations parasites qui détournaient stérilement notre attention, ne faisaient naître en nous qu’un intérêt émoussé, nous touchaient sans nous attacher, et dénués de valeur intrinsèque, laissaient notre esprit indécis entre la pitié et le dédain.

Mais le génie ne rejete et ne repousse guère certains moyens d’effets, si peu appropriés qu’ils lui paraissent, sans aussitôt les remplacer par d’autres, qu’il ne manque pas de découvrir. Wagner, occupé à indiquer le cours des passions bien plus que les péripéties qu’elles amènent, en simplifiant les événemens et en diminuant les acteurs du drame, a donné en revanche un corps en quelque sorte aux élans de leur âme, en les incarnant dans la mélodie. Dans le Tannhäuser, il a inauguré pour l’opéra une innovation frappante, par laquelle la mélodie, non seulement exprime, mais représente certaines émotions, en revenant au moment où elles réapparaissent, en se reproduisant dans l’orchestre indépendement du chant de la scène, souvent avec des modulations qui caractérisent les modifications des passions auxquelles elle correspond. Son retour n’occasionne pas uniquement une ressouvenance émouvante ; il nous dévoile celui des émotions qu’elle trahit. Entreluisant à peine, lorsque ces impressions flottent vaguement encore dans les cœurs, elle se déroule