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contempler sa peine, tandis que dans l’orchestre nous surprenons l’ombre des tristes récapitulations, qui se pressaient à cet instant dans sa mémoire. — Comment ne pas admirer ces inépuisables ressources de l’art qui trouve toujours des modes nouveaux, et resplendit en si multiformes beautés ! N’éviterons-nous donc jamais la mesquine prétention de lui poser des bornes ? de lui chercher une formule d’immobilité ? de vouloir l’enfermer dans tel ou tel cercle ? Ne l’affranchirons-nous d’un joug, que pour lui en imposer un autre ? Quand donc reconnaîtrons-nous combien il est vain de vouloir l’arrêter à un moment quelconque de ses révélations ? L’art comme la Nature embrasse dans ses lois, les règnes, les développements, les procédés les plus dissemblables. L’éphémère et le majestueux lui appartiennent également. Comme elle il existe et se perpétue par des transformations constantes, même alors que sa vie apparente est engourdie. Il se réveille, il renaît après des décadences momentanées. Il surgit sous de nouveaux aspects. Saluons ses printemps, sans nous attarder dans les regrets et les deuils obstinés du dernier automne, sans mépriser non plus les troncs sévères que les frimas n’ont pas dépouillé de leurs verdures, ni les humbles fleurettes des mousses qui ont vécu, aisément abritées, en conservant un parfum modeste, qui contribue pourtant aussi à embaumer notre atmosphère.