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L’apôtre de l’amour a enseigné que trois dangers, trois abîmes guettaient l’homme, et s’ouvraient sous ses pas : la convoitise de la chair, le plaisir des yeux, et l’orgueil de la vie. N’y est-il pas conduit par la même espérance de trouver sur cette terre une jouissance absolue, soit dans les plaisirs qui simulent l’amour en y substituant imperceptiblement, l’égoïsme à l’effusion ; soit dans la vulgarité bourgeoise, qui savoure et pourlèche, les mets distribués à une facile portée ; soit dans la grandeur de l’intelligence ambitieuse, dominant sur les faits, ou conquérant les secrets de l’inconnu, à l’aide de la science. Cette unique espérance, enchanteresse fallacieuse, triple Hécate, belle et cruelle Euménide, se dresse en effet à tous les regards sous une de ces triples faces : syrène séductrice et trompeuse, feu-follet décevant et illusoire, chimère superbe et terrible. Des trois passions qu’on idolâtre en elles, celle dont la musique peut le mieux dépeindre les tragiques embûches, est celle qui nous sollicite en murmurant à notre oreille le doux nom d’amour, en nous présentant un breuvage de flamme, en nous maintenant dans la suprême sphère du sentiment, où il est donné à cet art mieux qu’à tout autre de nous emporter sur les ailes de la tempête, ou de nous enlever jusqu’aux confins de l’Éther, jusqu’aux portes du Ciel que nous lui faisons franchir. La musique peut donc à bon droit, non-seulement s’essayer à exprimer cette aspiration de