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À mesure que les lumières se répandirent, que la civilisation s’étendit, que le niveau des intelligences s’éleva, que la haine et l’envie se ruèrent sur les hommes d’invention et de progrès, que l’Histoire repoussa d’une main la Fable et appela de l’autre la Justice, les apothéoses pleines d’une candide foi religieuse ou poétique disparurent. On rejeta le miraculeux ; on ne crut plus aux origines ni aux révélations célestes ; on discuta les mérites avec sang froid ; on délimita la portée des actions ; on rechercha le mobile des vertus, et l’on honora les hommes de facultés transcendantes, par des monumens auxquels on donna leurs noms. Après le temple était venu le poëme. Le poëme fut remplacé par la colonne. À la tremblante adoration avait succédé l’enthousiasme généreux. Il se changea en un jugement abstrait.

Vinrent ensuite des temps où les hommes sortis de leur état premier d’impuissance et d’inexpérience, arrivés aux connaissances de l’âge mûr, à la possession d’immenses forces morales et matérielles, à un puissant développement de la civilisation, furent si absorbés par leurs intérêts, leurs ambitions et leurs mollesses, qu’il resta peu de place dans leurs existences, à l’admiration du génie. D'ailleurs un souffle nouveau descendit sur la terre, et les populations frémissantes sous l’aiguillon d’une