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lequel il perçait dans leurs regards, ou du contour impérieux et accentué qu’il imprimait à leurs gestes, trouve pour parler aux masses une forme qui leur est plus familière, plus compréhensible, plus chère, et se met ainsi en rapport plus direct avec elles. Les statues n’étant commandées qu’après la mort de leurs modèles, cette circonstance rend la tâche de l’artiste plus aisée d’une part, plus pénible de l’autre. S’il est affranchi des exigences d’une ressemblance matériellement scrupuleuse, en revanche il est privé de ces apperçus si profonds, qu’une minute donne parfois dans les accès les plus reculés d’une âme élevée, et par cela même mystérieuse et concentrée. Il lui faut reconstruire ligne à ligne, sur le masque d’un cadavre ou sur un portrait muet, la vie et l’expression dont il doit chercher les secrets dans l’histoire et les productions de celui qu’il est destiné à faire revivre. Il faut qu’il les étudie dans leurs plus fins replis, et qu’il perce leurs voiles par une sympathique divination. Il lui faut être poëte pour discerner la poésie sous la prose de l’existence, et souvent aussi il lui faut reconnaître la prose sous un amas de poésie. Il lui faut comprendre ce qui fut l’œuvre de l’inspiration de ce qui n’a été que l’œuvre de la volonté ; élaguer les paroles que commandaient les convenances du cœur ou de la raison, d’avec celles qui s’échappaient comme un soupir involontaire ; faire