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chevalier en mettant le pied sur la plage se tourne vers le cygne, et le reprend dans les premières mesures d’un chant, qui n’est accompagné que par une tenue de tierce interrompue, dans les premiers violons. Cette monodie est suave, mélancolique et vibrante. Lohengrin prend congé du cygne auquel il dit de retourner dans leur heureuse patrie, sur les flots destinés à l’y conduire. Ces accens sont si visiblement empreints d’un regret de félicité, l’adieu qu’il adresse à son conducteur, si plein des peines d’une séparation, qu’il n’est pas besoin de savoir quel est ce mystérieux héros, pour comprendre qu’en arrivant sur cette terre de combats acharnés, d’innocence persécutée, de crime triomphant, il quitte une sphère de radieuse quiétude et de sereine gloire.

La musique ne possédait point encore un type que les peintres et les poëtes ont si souvent cherché à reproduire. Elle n’avait point encore exprimé le pur attendrissement, la sainte douleur, qui saisissent les anges ou les êtres supérieurs à l’homme et meilleurs que lui, quand ils sont exilés du Ciel, et envoyés vers notre triste séjour, pour y accomplir des missions bienfaisantes. Nous ne croyons pas qu’elle ait maintenant rien à envier sous ce rapport aux autres arts, car nous ne pensons pas que dans aucun d’eux, ce sentiment ait jamais été rendu avec une