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ses regards des croisées du palais, afin de puiser dans la douleur de ce spectacle, le poison et l’invention de la vengeance. Le comte de Telramund, jouet de la fausse science de sa femme versée dans la magie, se tourne avec haine et mépris vers elle, ayant pour dernier regret qu’on lui ait ravi l’épée dont il lui aurait percé le cœur : Sur une mélopée magnifique, il lui fait le tableau de l’ignominie dont il s’est couvert, et répète avec un éloquent cri de détresse et de désolation : « Mon honneur ! Mon honneur ! j’ai perdu mon honneur !.. » Ortrude garde la supériorité du calme qui couve le crime, et prend en pitié ces torsions du désespoir. — Exaspéré par ce comble d’insulte, Frédéric, se jette sur elle et saisi d’horreur il veut la déchirer et l’étouffer de ses mains ; mais elle lui demande avec un amer dédain, « s’il n’y a que les femmes qu’il sache vaincre ? » — « J’ai été vaincu par Dieu ! » s’écrie fièrement l’altier chevalier, « puisqu’Elsa était innocente. Je suis tombé dans l’opprobre parce que je me suis fié à toi, et que tu m’as trompé ! C’est toi qui m’as juré l’avoir vue noyant son frère, et qui enlaça mon cœur par les fausses séductions des prophéties, qui t’assuraient, disais-tu, le retour au trône de tes pères, et qui m’ont décidé à rejeter sa main pure, et à te prendre pour femme ! » — « dieu ! » — hurle Ortrude la païenne, en se levant de toute sa hauteur,… et elle intonne ce mot avec une si sauvage