Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/275

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Don Juan.

Ô ciel ! qu’est-ce que cela signifie ?

Chacon, avec ironie.

Pauvre femme ! qui meurt ici entre quatre murailles, victime de son honneur, de sa vertu !

Don Juan.

Que le ciel me soit en aide ! je veux enfoncer la porte.

Léonel.

Modérez-vous, don Juan. Celui qui est entré, c’est l’infant sans doute, et celui qui attend là, enveloppé dans son manteau, c’est le grand maître. Éloignons-nous, vous vous perdriez. Le ciel a permis que vous vissiez par vous-même ce qui se passe, afin que vous vous rendiez aux désirs de votre famille… Épousez une femme digne de vous. Votre belle enfant en serait bien digne par sa noblesse et ses charmes, mais vous êtes témoin de ses enfantillages.

Don Juan.

Mes amis, ce que je viens de voir achève de me détromper. Je jure de ne jamais revoir cette porte… que dis-je ? de ne jamais passer par cette rue. Allons, partons !

Léonel.

Voilà une excellente résolution.

Don Juan.

Tant de chagrins doivent enfin me rendre sage.

Léonel.

Qu’en dis-tu, Chacon ?

Chacon.

Il a raison. Mais, pour Dieu ! qu’il ne s’adresse pas ailleurs ; car si une belle aux yeux d’or se conduit ainsi, que peut-on attendre de celles qui ont des yeux ordinaires ?

Ils sortent.
Le grand Maître.

Viens avec moi, Arias. Nous trouverons sur les bords de la rivière un carrosse dans lequel sera une dame pour le moins aussi belle que Dorothée. Elle n’est pas tout-à-fait aussi spirituelle, mais les femmes d’esprit ne sont bonnes que pour les poètes.

Le Grand maître et don Arias sortent.



Scène III.

Dans la maison de Dorothée.


Entrent DOROTHÉE, et, à sa suite, l’infant DON HENRI qui tient un flambeau.
Henri.

Où veux-tu fuir ?

Dorothée.

Théodora ! Elvire ! Inès !