Page:Loti - Aziyadé.djvu/236

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Aziyadé sourit, et cherche dans sa tête quelque histoire nouvelle, entremêlée de réflexions fraîches et de parenthèses bizarres. Les plus aimées de ces histoires, où les hodjas (les sorciers) jouent ordinairement les grands premiers rôles, les plus aimées sont les plus anciennes, celles qui sont déjà à moitié perdues dans sa mémoire, et ne sont plus que des souvenirs furtifs de sa petite enfance.

— À toi, Loti, dit-elle ensuite. Continue ; nous en étions restés à quand tu avais seize ans…

Hélas !… Tout ce que je lui dis dans la langue de Tchengiz, dans d’autres langues, je l’avais dit à d’autres ! Tout ce qu’elle me dit, d’autres me l’avaient dit avant elle ! Tous ces mots sans suite, délicieusement insensés, qui s’entendent à peine, avant Aziyadé, d’autres me les avaient répétés !

Sous le charme d’autres jeunes femmes dont le souvenir est mort dans mon cœur, j’ai aimé d’autres pays, d’autres sites, d’autres lieux, et tout est passé !

J’avais fait avec une autre ce rêve d’amour infini : nous nous étions juré qu’après nous être adorés sur la terre, nous être fondus ensemble tant qu’il y aurait de la vie dans nos veines, nous