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vieilles bornes séculaires marquaient la place oubliée de quelque derviche d’autrefois ; l’herbe sèche, la mousse et le lichen avaient bonne odeur ; c’était un bonheur d’être en pleine campagne une pareille nuit, et il faisait bon vivre.

Mais Samuel paraissait subir cette corvée nocturne avec une détestable humeur, et ne me répondait même plus.

Alors je lui pris la main pour la première fois, en signe d’amitié, et lui fis en espagnol à peu près ce discours :

— Mon bon Samuel, vous dormez chaque nuit sur la terre dure ou sur des planches ; l’herbe qui est ici est meilleure et sent bon comme le serpolet. Dormez, et vous serez de plus belle humeur après. N’êtes-vous pas content de moi ? et qu’ai-je pu vous faire ?

Sa main tremblait dans la mienne et la serrait plus qu’il n’eût été nécessaire.

Che volete, dit-il d’une voix sombre et troublée, che volete mî ? (Que voulez-vous de moi ?)…

Quelque chose d’inouï et de ténébreux avait un moment passé dans la tête du pauvre Samuel ; — dans le vieil Orient tout est possible ! — et puis il