Page:Loti - Aziyadé.djvu/35

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étonnement : elle m’avait prié de m’asseoir entre elle et lui, et commençait à lui parler en langue turque.

C’était un entretien qu’elle voulait, le premier entre nous deux, et Samuel devait servir d’interprète ; depuis un mois, liés par l’ivresse des sens, sans avoir pu échanger même une pensée, nous étions restés jusqu’à cette nuit étrangers l’un à l’autre et inconnus.

— Où es-tu né ? Où as-tu vécu ? Quel âge as-tu ? As-tu une mère ? Crois-tu en Dieu ? Es-tu allé dans le pays des hommes noirs ? As-tu eu beaucoup de maîtresses ? Es-tu un seigneur dans ton pays ?

Elle, elle était une petite fille circassienne venue à Constantinople avec une autre petite de son âge ; un marchand l’avait vendue à un vieux Turc qui l’avait élevée pour la donner à son fils ; le fils était mort, le vieux Turc aussi ; elle, qui avait seize ans, était extrêmement belle ; alors, elle avait été prise par cet homme, qui l’avait remarquée à Stamboul et ramenée dans sa maison de Salonique.

— Elle dit, traduisait Samuel, que son Dieu n’est pas le même que le tien, et qu’elle n’est pas bien sûre, d’après le Koran, que les femmes aient une