Page:Loti - Aziyadé.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gourdit à la longue, et c’est alors qu’on ne souffre plus. Cette vérité n’est pas neuve, et je reconnais qu’Alfred de Musset vous l’eût beaucoup mieux accommodée ; mais, de tous les vieux adages, que, de génération en génération, les hommes se repassent, celui-là est un des plus immortellement vrais. Cet amour pur que vous rêvez est une fiction comme l’amitié ; oubliez celle que vous aimez pour une coureuse. Cette femme idéale vous échappe ; éprenez-vous d’une fille de cirque qui aura de belles formes.

Il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de morale, rien n’existe de tout ce qu’on nous a enseigné à respecter ; il y a une vie qui passe, à laquelle il est logique de demander le plus de jouissances possible, en attendant l’épouvante finale qui est la mort.

Les vraies misères, ce sont les maladies, les laideurs et la vieillesse ; ni vous ni moi, nous n’avons ces misères-là ; nous pouvons avoir encore une foule de maîtresses, et jouir de la vie.

Je vais vous ouvrir mon cœur, vous faire ma profession de foi : j’ai pour règle de conduite de faire toujours ce qui me plaît, en dépit de toute