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LE MIROIR DES JOURS


Une crainte soudaine est venue assaillir
Votre âme : c’est la peur affreuse de vieillir !
L’image du miroir ne vous est plus bien sûre,
Et vous cherchez un autre avis qui vous rassure…
Mais moi qui connais l’homme et sa brutalité,
Je sais où vous devez chercher la vérité.

La glace complaisante et passive reflète
L’image variable et que vous avez faite.
Elle ne contredit jamais votre plaisir
Et mire, plus que vous, votre vivant désir.
Et la réalité constante vous échappe,
Celle que d’une empreinte ineffaçable frappe
Le Temps, incorruptible ouvrier de la Mort !
Pour savoir si vous êtes jeune et belle encor,
Ce n’est pas au miroir, peu véridique en somme,
Qu’il faut vous regarder, c’est dans les yeux des hommes !
Eux, dont les cœurs de chair vous considéreront,
Avec leurs appétits brutaux vous jugeront !
Et vous n’aurez alors, jeune ou vieille, qu’à lire
Dans leur regard cruel qui dédaigne ou désire…