Page:Lucain, Silius Italicus, Claudien - Œuvres complètes, Nisard.djvu/29

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LA PHARSALE.

CHANT PREMIER.

Je chante nos guerres plus que civiles dans les plaines d’Émathie[1], le crime légitimé par le triomphe, et le peuple roi tournant contre ses entrailles sa main victorieuse. Je chante nos luttes parricides, le pacte de l’empire violé, l’univers ébranlé combattant de toutes ses forces dans cette communauté de crime, deux armées ennemies portant mêmes insignes, aigles contre aigles, légions contre légions. Citoyens, quelle fureur, quelle débauche du glaive, que d’aller offrir à des nations odieuses le sang latin à répandre ! Quand il vous fallait dépouiller l’orgueilleuse Babylone des trophées de l’Italie, quand l’ombre de Crassus errait sans vengeance, vous avez préféré des guerres pour lesquelles Rome n’a pas de triomphe. Hélas ! avec le sang que versèrent à longs flots vos mains coupables, que de terres, que de mers eussiez-vous pu conquérir, et vers le pôle d’où vient Titan, et vers la région ténébreuse où plongent les étoiles, et vers les zones brûlantes sous les feux du midi, et vers ces contrées brumeuses où la mer de Scythie, resserrée dans ses glaces, ne sait pas s’amollir au souffle du printemps ! Déjà nous tiendrions sous le joug et le Sère, et l’Araxe barbare, et les peuples, s’il en est, qui boivent à la source ignorée du Nil. S’il te reste une telle ardeur de criminelles discordes, quand l’univers entier reconnaîtra les lois du Latium, Rome, tu pourras alors tourner ton glaive sur toi-même : jusqu’à présent l’ennemi ne t’a pas fait défaut. Mais aujourd’hui, si, par toute l’Italie, les édifices pendent en ruines sous leurs toits demi-rompus, si les

  1. Province de la Macédoine.