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LUCAIN.


vaillants Lingones[1] aux armes peintes. Ceux-ci quittent l’Isère qui, après avoir roulé longtemps dans son propre lit, tombe et se perd dans un fleuve plus célèbre[2], sans porter son nom aux vagues de l’Océan. Les blonds Rhutènes[3] respirent affranchis d’une longue oppression. L’Atax[4] limpide voit fuir avec joie les carènes latines ; et le Var, qui borne l’Hespérie, ne porte plus les soldats de César. On quitte le golfe, qui sous le nom et la tutelle d’Hercule[5], resserre l’Océan dans sa roche concave, à l’abri du Corus et du Zéphire ; le Circius[6], qui peut seul en troubler les rivages, défend et protége la station de Monœcum. On quitte le rivage incertain, que la terre et la mer se disputent tour à tour, où tantôt le vaste Océan se promène, d’où tantôt il rappelle ses vagues et s’éloigne. Est-ce le vent qui, des confins du monde, roule les flots sur cette rive et les abandonne ensuite avec sa proie ? Est-ce la vagabonde Phebé, dont ils suivent les phases, qui les gonfle à ses heures ? Est-ce Titan enflamme qui soulève l’Océan et dresse les flots jusqu’aux astres pour boire l’onde, sa nourrice ? Cherchez la cause mystérieuse de ces révolutions fréquentes et le secret des dieux, ô vous qu’inquiète le travail du monde : moi, je l’ignore. Partout l’étendard se lève. Les légions abandonnent les bois de Némes[7] et les rives de l’Atun[8], là où le pays de Tarbes reçoit mollement dans son golfe arrondi la mer qu’il emprisonne. Le Santon[9] voit, plein d’allégresse, l’ennemi qui s’éloigne. Le Biturge[10] et le Suesson[11], léger sous ses longues armes, le Leuque[12] et le Rhémois[13], habiles à lancer le javelot, et le Séquane[14], habile à manier le frein du cheval qui tournoie, et le Belge, instruit à conduire le char armé de faux, et l’Averne[15], peuple du sang troyen, qui ose se croire notre frère ; et le Nervien[16], trop souvent rebelle, souillé du sang de Cotta (2) ; et le Vangion[17], qui porte les larges brayes du Sarmate ; et le farouche Batave, qui s’anime au sifflement sonore de l’airain recourbé ; et les peuples qui habitent le gouffre de l’errante Cinga[18], le Rhône, dont le flot rapide entraîne l’Araris[19] dans l’Océan, et la cime escarpée des Gebennes[20], aux roches blanches et pendantes ; et toi aussi, barbare Trévire[21], tu te réjouis de voir transporter la guerre.

Vous êtes libres, Liguriens tondus, jadis préférés aux Comates, dont la chevelure inonde les blanches épaules. Vous aussi, qui apaisez par le sang des hommes le féroce Teutatès[22], et l’hor-

  1. Habitants du pays de Langres.
  2. Le Rhône.
  3. Habitants du Rouergue.
  4. L’Aude.
  5. Il s’appelle aujourd’hui le port de Monaco.
  6. C’est le nom d’un vent qui souffle des Gaules.
  7. Nîmes.
  8. L’Adour.
  9. L’habitant de la Saintonge.
  10. Bordelais, dits Bituriges vibisques, ou les habitants du Berry.
  11. Soissonnais.
  12. Habitant de Toul.
  13. De Reims.
  14. Riverain de la Seine.
  15. Auvergnat. On prétend que le fondateur de Clermont-Ferrand (Clarus Mons) fut Anténor.
  16. Habitant du Hainaut.
  17. Habitant de Mayence.
  18. La Sorgue, qui se jette dans le Rhône au-dessus d’Avignon.
  19. La Saône.
  20. Cévennes.
  21. Habitant de Trêves.
  22. Mercure des Gaulois.