Page:Lucain, Silius Italicus, Claudien - Œuvres complètes, Nisard.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
28
LUCAIN.


ges ont embrasé leurs toits, que Rome ébranlée vacille et menace de s’écrouler sur leurs têtes. C’est ainsi que, dans son délire, court par la ville cette foule égarée, comme s’il ne restoit plus d’autre espoir à tant de malheureux que de quitter les murs de la patrie. De même, quand l’Auster impétueux a chassé la mer immense loin des Syrtes de la Libye, quand les mâts gémissent en se brisant sous leurs voiles, le pilote abandonne la poupe et se jette dans les flots ; le matelot le suit, et bien que la carène ne s’entr’ouvre pas encore, chacun se fait à soi-même un naufrage. Ainsi l’on déserte la ville pour fuir au-devant de la guerre. Le père accablé d’ans ne peut rappeler son fils ; l’époux n’entend pas les pleurs de l’épouse ; les Lares domestiques ne peuvent les retenir jusqu’à ce qu’on ait prié les dieux pour leur salut incertain. Aucun ne s’arrête sur le seuil, et quittant, pour toujours peut-être, cette ville chérie, ne se remplit de son image, ainsi court cette foule que rien n’arrête.

Dieux ! qu’aisément vous nous élevez aux grandeurs, et que malaisément vous nous y soutenez. Cette ville, où se pressent les peuples, les nations vaincues, qui pourrait contenir le genre humain entassé dans ses murs, n’est plus qu’une proie facile, abandonnée par des lâches qu’on menace de César. Quand, sur la rive étrangère, le soldat romain est resserré par l’ennemi qui l’environne, un simple fossé le met à l’abri des périls nocturnes, et le rempart de gazon qu’il dresse à la hûte lui assure, sous sa tente, un paisible sommeil. Et toi. Home, tu n’as entendu que prononcer le mot de guerre, et le voilà déserte : les citoyens ne te confient pas le repos d’une nuit. Cependant il faut leur pardonner ces grandes terreurs ; ils tremblent, mais après que Pompée a pris la fuite.

Pour ne pas consoler par l’espoir de l’avenir cette foule éperdue, de plus cruels destins se révélèrent par d’éclatants témoignages. Les dieux menaçants remplirent de prodiges la lerre, le ciel, la mer. Les nuits ténébreuses virent des étoiles inconnues, et le pôle ardent de flammes, et la course oblique des météores dans le vide, et la crinière de l’astre qui porte l’effroi, la comète qui change les royautés de la terre. Souvent l’éclair sillonna la trompeuse sérénité du jour, et le feu donna des formes diverses ù l’éther condensé, lanlot s’allongeant comme un javelot, tantôt rayonnant comme une lampe. La foudre muette brilla dans un ciel sans nuages, et ravissant la flamme aux régions arctiques, frappa le temple de Jupiter Latial. Les étoiles inférieures, qui parcourent d’ordinaire l’immensité des nuits, apparurent au milieu du jour, et la sœur de Phébus, à l’heure même où son disque arrondi rend au monde entier les clartés de son frère, pâlit soudainement, voilée par l’ombre de la terre. Titan lui-même, lorsqu’il portait sa tête au plus haut