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LUCAIN.


sant, au milieu de Rome en cendres, subissait d’avance la peine de ses crimes. Plusieurs fois la mort recula devant lui, et vainement un ennemi fut maître de répandre ce sang odieux. Prêta frapper, le meurtrier pâlit et laissa tomber le glaive de sa main défaillante ; dans les ténèbres du cachot, il avait vu se dresser une lumière immense ; il avait vu les furies qui punissent le crime, et tout l’avenir de Marius. Une voix formidable lui criait : Il ne t’est pas permis de frapper celte tète ; cet homme doit au de^lin des morts sans nombre avant la sienne. Dcpo e une vaine fureur. Si lu veux une vengeance aux mânes de la ra( ;( ; détruite, Cimbre, conserve ce vieillard. Ce n’est pas la faveur des dieux, c’est leur courroux qui protége ce soldat farouche, lequel suffit au destin qui veut perdre Home. Jeté par une mer orageuse sur une plage ennemie, errant parmi des cabanes désertes, il se traîne sur l’empire désolé de ce Jugurtha dont il a triomphé, et foule aux pieds les cendres puniques. Bîarius et Carthage se consolent de leur ruine, el, couchés sur même sable, ils pardonnent aux dieux. Au premier retour de la fortune, Marius appelle à son aide les colères africaines ; les cachots vomissent leurs esclaves affranchis, sauvages cohortes dont Marius brise les chaînes. ^u ne peut porter l’étendard du chef s’il n’a déjà fait l’apprentissage du crime, s’il n’entre dans le camp avec des forfaits. Ô destins ! quel jour, quel jour fut celui où Marius vainqueur força nos murailles ! Comme la mort cruelle accourut à grands pas !

La noblesse tombe avec le peuple ; le glaive se promène au loin ; aucune poitrine ne peut détourner le fer. Le sang inonde les tenipics, et le pied glisse sur letiis marbres humides, rougis par tant de massacres. L’âge ne sauve personne : sans pitié pour le vieillard dont les ans s’achèvent, le fer hâte sa dernière heure, et tranche, au seuil de la vie, la trame naissante de l’enfant. Kl par quel crime ces pauvres petits ont-ils donc mérité le trépas ? Us peuvent mourir : c’est assez. Fureur délirante et sans frein ! C’est perdre du temps que de chercher un coupable. On égorge pour entasser des cadavres. Le vainqueur sanglant arrache des têtes à des troncs inconnus ; il rougirait de marcher la main vide. Le seul espoir de salut est de pouvoir imprimer des lèvres tremblantes sur sa main souillée (I). Peuple avili ! Quoique mille bourreaux s’empressent de frapper à un signal inusité, des hommes refuseraient de longs siècles pour prix de ces bassesses, et c’est ainsi que tu paies un déshonneur de quelques jours et le droit de vivre quand Sylla revient.

Comment pleurer tant de funérailles ? Toi, Bébius, dont une foule d’assassins dispersent les entrailles, et se disputent les membres fumants ! Et toi, prophète de nos malheurs, Antoine, dont la tête blanche pend à la main