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LA PHARSALE.


Lâches ! devant le Gange en courroux je ne reculerais pas. Désormais aucun fleuve n’arrêtera César ; il a passé le Rubicon. Courez, cavaliers, et vous aussi, fantassins ; franchissez le pont qu’on veut détruire. »

Aussitôt le coursier léger se précipite à toutes brides dans la plaine, et des bras nerveux lancent à l’autre rive une épaisse nuée de dards. César chasse la troupe qui défendait le fleuve, le traverse, et repousse l’ennemi dans ses tours protectrices. Déjà il fait élever les machines qui doivent lancer de grandes masses, déjà le mantelet se glisse vers les murs.

Mais, ô crime ! ô trahison ! les portes s’ouvrent : les Soldats de Domitius traînent leur chef captif, et jettent un Romain aux pieds de l’orgueilleux César. Mais cette victime noble, et fière de ses aïeux, regarde le vainqueur d’un front menaçant, relève la tête, et demande un bourreau. César sait que Domitius veut la mort et ne craint que le pardon.

« La vie que tu refuses, lui dit-il, je te la donne ; tiens de moi le jour, et sois pour les vaincus l’exemple de ma clémence, le gage de leur espoir. Tu peux de nouveau tenter le sort des armes : s’il t’est favorable, ce pardon ne t’engage à rien. » Il dit, et ordonne de rompre les liens qui chargeaient ses bras. Fortune, qu’il valait mieux, même au prix de cette tète, épargner la majesté romaine ! N’est-ce pas pour ce citoyen le dernier des supplices ? Il a suivi les drapeaux de la patrie, Pompée, tout le sénat ; et on lui pardonne !

Domitius, impassible, étouffe sa profonde colère, et se dit en lui-même : « Iras-tu lâchement à Rome, asile de la paix ? Fuiras-tu les dangers de la guerre, toi qui depuis longtemps devais mourir ? Cours au trépas, brise tous les liens de la vie ; échappe au bienfait de César. »

Cependant Pompée, ne sachant pas que Domitius est aux mains de l’ennemi, se préparait à fortifier son parti par la réunion des deux armées. À la prochaine aurore, il doit faire sonner la trompette ; et, voulant éprouver la colère du soldat qu’il va lancer contre César, d’une voix vénérable il parle en ces termes à ses cohortes silencieuses :

« Vengeurs des forfaits, soldats de la meilleure cause, troupe vraiment romaine, armée par le sénat au nom de la patrie, appelez le combat de tous vos vœux ! Le fer et le feu dévorent les champs de l’Hespérie ; à travers Il les Alpes glacées, la Gaule nous vomit ses sauvages enfants. Déjà le sang a souillé le glaive de César. Remercions les dieux ! Nous avons reçu les premiers outrages de la guerre ; César a commencé le crime. Rome, sous ma présidence, va commander le supplice et le châtiment : car ce ne sont pas là de vrais combats ; c’est la vengeance de la patrie courroucée. Ce n’est pas plus une guerre, qu’aux jours où Catilina préparait les torches qui